Jeudi 13h : Voilà déjà trois jours que je suis ici, et à vrai dire, je n’ai vraiment pas vu le temps passer. Il faut dire qu’à part aujourd’hui où je me suis levé à 10h30, j’ai passé mes deux premières matinées dans mon lit…
Bon, par où commencer ? J’en ai vu des choses en deux jours. Pourtant, je ne connais pour l’instant quasiment que l’IFPO, sorte de bunker peuplé de francophones dans un quartier résidentiel «aisé» d’Amman. Les seules à ne pas parler français ici sont la femme de ménage et une pauvre étudiante allemande d’origine jordanienne qui loge dans la chambre d’en face. Elle a d’ailleurs remercié Dieu (oh ! thanks god, you speak english !) de mon arrivée. Elle m’a avoué qu’elle commençait à devenir folle toute seule ici avec tous ces français qui ne parlaient pas anglais. Elle m’aurait d’ailleurs presque agacé à répéter qu’aucun français ne savait parler anglais. On le sait tous qu’on n’est pas très fort en langue chez les Gaulois, mais une fois c’est bon, on a compris ma chérie. Mis à part ça elle est plutôt sympa.
Bon, pour ce qui se trouve en dehors du bunker, il n’y a pas grand chose à dire. Un terrain vague, quelques maisons et un court de tennis à moitié défoncé. Mis à part ça…ben rien !
Il me faut parcourir 20 bonnes minutes de marche pour trouver le premier snack, un vendeur de shewarmas et falafels somme toute très bons. Pour un vrai repas il faut descendre dans la ville basse, qui elle se trouve à 30minutes. Downtown ou al medeena en arabe ou ville basse en français. C’est aussi la partie la plus vieille de la ville où se trouve l’amphithéâtre romain assez impressionnant. Mais à part l’amphithéâtre, je n'ai pas trouvé les restes de vieux bâtiments, j’ai pourtant cherché mais en vain. C’est ici aussi que sont regroupés les souks de la ville très animés du matin au soir. Les vendeurs ont des petites chansons pour vendre leurs fruits et légumes. On a aussi les bouchers avec leurs morceaux de viande suspendus au dessus de leur tête et les poissonniers avec leur congélateurs qui ne congèlent plus grand chose.
Cette partie de la ville est très active. Les voitures n’arrêtent pas, les klaxons non plus. Le plus grand problème pour le piéton à Amman reste encore de traverser la rue. Pas de passages cloutés, pas de feux, donc il faut s’armer de patience, et lorsqu’une brèche se crée dans l’anarchie routière régnante, on a plus qu'à foncer ! Pas toujours facile, jamais rassurant, mais faisable.
Bon, parlons un peu de choses sérieuses…la bouffe !
Première expérience mardi après-midi vers 16h. Mon estomac commence à crier famine, il est grand temps de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Je vois une petite cantine remplie de jordaniens, donc gage de qualité. Le menu est des plus surprenant. J’ai le choix entre une tête de chèvre bouillie, un estomac de mouton (comme chez les écossais), des pieds de chèvre ou de vache ou des boyaux remplis de riz. On va y aller doucement pour le début. "Un plat de boyaux min fadlak !" Le truc m’arrive, pas très appétissant de prime abord, mais le tout ça se révèle plus apéttissant qu'il n'y parait . J’y retournerai goûter l’estomac dans quelques jours.
Autre expérience amusante avec la bouffe hier soir. Je commande un Mensaf, plat traditionnel bédouins avec du riz et de l’agneau. Le tout accompagné d’une sauce que j’ai pris pour de la soupe…Un peu fort en goût la soupe pour le coup. Les gens ont dû pas mal rigoler en me voyant faire.
Pour ce qui est de mes recherches maintenant. Et bien j’ai bossé depuis septembre sur un sujet qui ne veut pas dire grand chose en Jordanie. Etudier les mobilités des habitants des camps en Jordanie reviendrait au même qu’étudier celle des habitants d’une banlieue à Paris. Faisable, mais pas forcément très intéressant. Le camp de Wihdat, celui que j’étudie, a été créé en 1954 en dehors de la ville. Avec l’expansion urbaine, il se retrouve aujourd’hui inséré dans le paysage urbain d’Amman. Pour vous donner une idée, en 1948, Amman comptait 55 000 habitants. Aujourd’hui, il y en a 1.6 million…
Les réfugiés palestiniens de 1948 ont eu des enfants, qui ont eu des enfants, qui commencent à leur tour aujourd’hui a avoir des enfants. La plupart d’entre eux se sont résignés a un retour en Palestine. Pays qu’ils gardent dans leur mémoire pour ceux qui y ont vécu et qu’imaginent les plus jeunes à travers les histoires des plus vieux.
Seuls quelques activistes continuent de se « battre » pour le droit au retour, les autres n'y croient plus.
Les réfugiés sont aussi pour la plupart des citoyens jordaniens qui votent aux élections et vivent comme n’importe quel autre habitant du pays. Le camp aurait tendance à devenir de plus en plus une poche de pauvreté avec une identité marquée et faisant parfois l’objet de stigmatisations vu de l’extérieur. Certains palestiniens ayant gagné assez d’argent partent et louent leur logement à des travailleurs Egyptiens ou Irakiens pour une quarantaine de dinars (environ 40 euros) par mois.
Ce que me proposent de faire les chercheurs de l’ IFPO serait de montrer ce qu’est un camp palestinien aujourd’hui à Amman. Ce n’est pas encore très clair dans ma tête pour l’instant donc je m’arrête là pour le moment. Je n’ai toujours pas été dans le camp, mais ce devrait être chose faite d’ici à lundi prochain. J’appréhende un peu car les discours des uns et des autres sont complètement contradictoires. Certains me disent qu’ils ont du mal à se remettre de ce qu’ils ont vu là-bas et d’autres que c’est un des quartiers les plus agréables de la ville… A voir, je jugerai par moi même.
J'ajoute deux petites photos de la magnifique ville d'Amman...
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