mardi 19 février 2008

La France vue d'ici

Depuis mon départ, les occasions d’observer la France d’un point de vue extérieur ne manquent pas. C’est assez intéressant d’entendre ce que les gens pensent de nous dans cette partie du monde. D’accord, il y a bien Courrier International pour cela, mais les articles restent écrit par des journalistes qui ont une vision globale du monde, quelques soient leur pays ou leurs opinions politiques.
Je vous parle de la vision du peuple, qu’il soit instruit ou non, de droite ou de gauche, riche ou pauvre, musulman, chrétien ou juif.
Certains discours me font rire, d’autres beaucoup moins.

Commençons par la partie la plus légère. J’étais assis devant la poste tout à l’heure avec une enveloppe « internationale » à la main. Un passant s’arrête pour me demander d’où je viens. Je ne sais pas pourquoi mais les gens ici me prennent souvent pour un Allemand. Le nombre de touristes allemands en Jordanie doit certainement être important, parce que mis à part cela, je ne vois pas beaucoup d’autres explications… Je lui réponds et la première chose dont il me parle est le pont de milano. Je me permets de le corriger en lui disant que c’est du pont de Millau dont il doit vouloir parler. Il me demande pourquoi est-ce que la France a fait une chose pareille. « C’est très dangereux, ce pont est beaucoup trop long, c’est vraiment très dangereux. Pourquoi, pourquoi ? » Il avait l’air terrorisé rien qu’en en parlant. Un peu fatigué par la journée qui venait de s’écouler, je lui réponds rapidement en lui disant simplement que les français sont fous. Il renchaîne sur le tunnel sous la manche. Je m’attends alors à le voir trembler de tous ses membres à l’évocation d’une telle construction. Mais non, cette fois, il me félicite, il trouve ça vraiment merveilleux de pouvoir relier deux pays séparés par la mer avec un tunnel. OK. Je ne comprends pas vraiment son raisonnement, mais je trouve ça plutôt amusant. Il s’éloigne en me saluant.
Un autre m’a un jour demandé confirmation sur ce qu’un ami à lui qui avait été en France lui avait raconté. « En France, vous êtes tellement riche que l’été, lorsqu’il fait beau et chaud, pour que l’atmosphère soit encore plus agréable, vous parfumez les rues et les murs des immeubles ». Sa déception est grande lorsque je lui avoue que son ami avait dû soit se moquer de lui, soit visiter un autre pays que la France. Il me croit mais m’affirme qu’en tout cas, les parfums français sentent très bon. Oui, c’est justement la raison pour laquelle nous devrions être vraiment très riche pour parfumer nos rues et nos immeubles avec…
S’il y a un domaine dans lequel nous gardons une place importante, c’est le foot. Il n’est pas rare que lorsque je dis aux gens que je suis français, le nom de Zidane soit prononcé dans la phrase qui suit. Henry jouit lui aussi d’une grande notoriété dans ce coin de la planète. Quelque chose de plus étonnant, le nombre de personnes qui me parlent de Lyon. J’ai même croisé plusieurs fois des gamins avec un écusson de l’OL sur leurs vêtements.
A les entendre, l’équipe des gones est au niveau des plus grands clubs européens. Avis que je ne partage pas, j’en profite à chaque fois pour leur dire que c’est de Bordeaux dont ils doivent se rappeler cette année. Ce seront eux les futurs champions ! Un jeune vendeur de tomates du camp m’a d’ailleurs coûté bien cher en traduction ce matin pour parler de foot. Il m’a cité tous les joueurs de Lyon et de l’équipe de France. Je vais d’ailleurs essayer d’aller voir un match de Wihdat vendredi après-midi avec lui. L’équipe du camp évolue dans le championnat national et fait partie des meilleurs équipes du pays. Elle participe même à la Champions League arabe.
Par contre en ce qui concerne la notoriété du vin de Bordeaux, c’est le néant. La grande majorité des Jordaniens ne consomment pas d’alcool et n’ont donc que faire du vignoble bordelais. Ma fierté en prend d’ailleurs un coup à chaque fois. Seuls Alex (l’Indonésien), Ahmed (dont nous parlerons après) et Majid (le Damassien) y ont fait allusion.
J’ai fait à peu près le tour des choses marrantes que j’ai pu entendre à propos de notre douce France. Voyons maintenant les choses plus tristes, tristement bien plus nombreuses…
La palme revient à Nicolas Sarkozy, largement haie par ici. Les gens m’ont souvent parlé de politique et je n’ai trouvé personne pour le soutenir. Même Ahmed qui travaille pour Sanofi Aventis, parcours le globe, et gagne beaucoup d’argent, le voit comme quelqu’un de dangereux. Pas la peine de parler des réfugiés qui n’apprécient guère sa politique de connivence avec Israël et les Etats-Unis. Ils étaient pourtant fiers de Chirac pour l’Irak et sa visite à Jérusalem lorsqu’il était intervenu alors que des policiers israéliens tentaient d’écarter des Arabes qui voulaient s’approcher de notre ex-président. Ils ne comprennent pas vraiment pourquoi la France tourne subitement le dos aux valeurs qu’elle a défendu tout au long de son histoire, c’est-à-dire les droits de l’Homme. C’est assez drôle car pour eux, c’était un domaine dans lequel la France excellait. Aujourd’hui, elle ne pense que par l’argent mais n’arrive pas à en gagner… Elle essaye de jouer avec les grands dans ce domaine sans pouvoir les suivre. En résumé, nous avons laissé tomber les droits de l’Homme pour rien car nous n’étions bon que pour cela. Ils n’ont peut-être pas tort en fin de compte…
En fait, ce qui fait le plus de peine, c’est de se rendre compte à quel point ces gens étaient fiers de nous, ils nous considéraient vraiment comme les défenseurs des pays opprimés victimes des grandes puissances parfois peu regardantes sur les droits humains (je ne sais pas si ça se dit mais ça fera l’affaire, tout le monde comprend ce que je veux dire non ?).
La plupart des personnes sont capables de me citer le nom de tous les présidents français depuis De Gaulle.
La vie privée de Nicolas fait aussi l’objet de pas mal de moqueries de la part des locaux. Seuls les plus cultivés, donc les plus riches, soit les gens des quartiers Ouest, suivent les frasques de notre cher président. Le remariage ultra-rapide avec un ancien top Model, les voyages en jet, les barbecues avec la famille Bush ou encore le probable déménagement de l’Elysée vers l’Ecole Militaire à cause d’un manque d’espace vital. Après s’être moqués du président, mes interlocuteurs prennent rapidement un ton plus sérieux pour me demander ce qu’il se passe en France pour que la population ait élu un homme pareil (je m’excuse auprès de mes lecteurs sarkozystes, mais je ne fais que relater les propos entendus ici). J’évoque alors les problèmes de pouvoir d’achat qui personnellement me semble être la clé de sa victoire. Ici aussi les gens souffrent beaucoup de la vie chère. Amman est devenue la ville la plus chère du monde arabe en comparaison avec les salaires, juste devant Dubaï. L’essence a augmenté de 53% le jeudi qui a suivi mon arrivée et devrait encore augmenter au mois d’avril. Le début du printemps est d’ailleurs extrêmement appréhendé par les Jordaniens car une hausse massive et générale des prix est attendue. Les habitants de Wihdat n’ont de cesse de me le rappeler au cours de nos entretiens. Soit dite en passant, ma traductrice aussi doit anticiper la hausse des prix vu les tarifs qu’elle pratique… Cette hausse fait d’ailleurs augmenter la fréquentation du camp. Des gens du centre ville et dans une moindre mesure de certains quartiers de l’Ouest profitent de leur vendredi pour venir à Wihdat faire leurs courses pour la semaine. Lorsque nous allons à Leader Price en France, eux vont à Wihdat. Les produits sont de bonne qualité, mais la différence de prix se joue sur le niveau de vie des habitants. Ce sont des réfugiés qui n’ont pas de grands besoins et vivent de choses simples. Visites à la famille dont la majeure partie habite aussi dans le camp, match de foot au stade pour les plus jeunes, à la TV pour les plus vieux, c’est tout. Cela leur permet d’appliquer moins de marge sur les produits revendus et donc d’attirer une clientèle plus importante.
Beaucoup se demande pourquoi je quitte mon pays pour voir ce qu’il se passe ailleurs et d’autant plus dans un camp de réfugiés d’Amman. Malheureusement, je ne suis pas le seul français dans ce cas. D’après eux, cela vient encore de notre pays où les relations entre êtres humains disparaissent de plus en plus vite, où l’on oublie les choses simples de la vie pour se concentrer sur le matériel. Et malheureusement ils n’ont encore une fois certainement pas tort…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et bien, pour ma part, je ne suis pas vraiment étonnée de l'avis des locaux sur notre "beau" pays, c'est bien tout ce qui m'a navré avec l'élection de Sarkozy... Mais j'étais loin de m'imaginer que l'avis des populations orientales était déjà si tranché ! le mal est fait et pour redorer notre blason ça ne sera pas gagné.
ça me déprime...
bise,
marina